Chapitre 4 : A l’assaut du col !

Dimanche 27 mars 2011, le soleil se lève sur Tal, petit village perché à 1670m d’altitude entre les massifs des Annapurnas et du Manasalu, l’aventure peut commencer !



Toute l’équipe d’« Himalayan Canyon Team » est sur le pied de guerre… 
Très tôt le matin, chargés de 15kg chacun, nous quittons le village pour gravir 1405m de dénivelé à travers une forêt de pins himalayens et de rhododendrons. L’accès est très vertical et sans aucun point d’arrêt jusqu’à atteindre, 3h30 plus haut, le « Bivouac 1 », situé à 3075m d’altitude.
Les yaks y ont élu domicile en attendant le passage du col. Laurent Triay notre caméraman, s’approchant un peu trop près, manque de terminer au bout d’une corne bien affutée !! Par miracle le Yak, après l’avoir chargé lourdement, décide de l’épargner. Olé !

Le bivouac est confortable et offre la possibilité de dormir sous le surplomb d’un énorme bloc à la stabilité douteuse. Certains s’y installent  alors que d’autres choisissent de dormir dans les hamacs tendus entre d’énormes rhododendrons, en contre bas.
Mais dans le milieu de la nuit, la plupart se réfugient précipitamment sous l’abri rocheux, chassés par une pluie battante et un brouillard à couper au couteau ! Atmosphère mystique, en parfaite adéquation avec le côté sauvage et reculé de cet endroit.

Lundi 28 mars 2011, dès les premières lueurs du jour nous partons pour l’assaut du col, situé à 4240m d’altitude. La sente est de plus en plus raide et s’efface inexorablement sous la neige, alors que la végétation disparait peu à peu avec l’altitude…

5h30 plus tard et 1365 mètres plus haut, nous atteignons enfin le col, point clé de l’expédition. Kabindra et Rajesh, qui sont guides de haute montagne, passent devant. Nous sommes alors accompagnés des 4 porteurs et toujours des 3 yaks. Les conditions météo ne sont franchement pas terribles : il neige toujours, la visibilité est réduite à une dizaine de mètres et la température ressentie continue à descendre… Nous chaussons donc les crampons par-dessus les Five Ten, alors qu’un blizzard glacial nous fouette le visage. Finalement ce n’est pas plus mal car on ne voit pas les pentes abruptes qui se trouvent sous nos pas : elles tombent directement dans l’abîme de Chamje Khola, 2000 m plus bas… Bien que la traversée des névés soit très exposée et la neige profonde et avalancheuse, seuls les trois Yaks font demi-tour ! 

 
Pendant plusieurs heures, à plus de 4000m d’altitude, la progression est très explosée et ne permet aucun faux pas. Nous essayons parfois de sécuriser au mieux les passages les plus délicats  en utilisant des ancrages humains et naturels pour éviter toute surprise. C’est à ces endroits que le fait d’avoir volontairement limité les charges individuelles à 15 kg par personne prend plus de sens !

Vient ensuite la descente : 890m bien raides dans les pentes herbeuses.  Interminable… Le brouillard se lève un peu… Nous arrivons au « bivouac 2 » à 16h. Il marque l’entrée du canyon, à l’altitude 3450m. Repos bien mérité après avoir bataillé plus de 10 heures dans les nuages... Nous sommes au fond d’un cirque gigantesque ceinturé par des crêtes enneigées. La rivière s’écoule  au pied du bivouac, au milieu des rochers et d’une belle forêt de pins. L’endroit, loin de tout, est magnifique.

Profitant de cette fin d’après-midi, chacun s'affaire à la préparation du bivouac, des perfos, des kits de corde et de matos photo et vidéo, le but étant de partir à l’aurore, le plus rapidement et léger possible, avec un minimum de nourriture et de matériel. Nous pensons pouvoir passer en une grosse journée, deux maxi !

C’est alors que Dorian, notre « GPS man », nous informe qu’il y a eu des erreurs de relevés d’altitude à la partie médiane. La partie inférieure est plus courte qu’annoncée en 2005 de 150m !! Aussitôt on réalise tous que la partie haute présente plus de dénivelé, d’autant plus que nous sommes déjà plus haut que prévu. Deuxième surprise, la distance jusqu’au bivouac intermédiaire serait de 7,5kms, ce qui est beaucoup pour un canyon vertical ! Pas facile de recroiser des données datant de différentes expés et de reporter le tout sur des cartes 1/100emes, fausses de surcroît ! Au total, 1420m de dénivelé nous attendent au lieu des 1000/ 1200m envisagés jusqu’alors. Brave promenade en perspective… 

On refait le point matos, 90 goujons, 600m de corde, plus 200m de dyneema pour les relais, 2 perfos et 3 accus, vu que le 4eme nous a lâché à Jagat. Ça fait quelques jokers en moins mais si ça déroule bien dans la première partie horizontale, on attaquera la partie technique en quelques heures, et les parties verticales en soirée… Ce qui semble jouable pour tout le monde. On est tous prêt à affronter le monstre. On comprend tous, néanmoins, que l’engagement va être plus important que prévu et que notre présence dans le canyon risque de s’allonger bien au delà d'une grosse journée... 

« De toute façon, on est là, ni pour dormir, ni pour manger ! » (Autre proverbe « HCT »)

19h, Rod nous fait un dernier briefing technique et sécu autour du feu, distribue les rôles d’ouvreurs, de déséquipeurs, la position des équipiers et du « singe » puis chacun s’endort paisiblement dans son duvet douillet et humide !

Texte : Jean-Luc et Rod
Photos : Sam Bié et HCT

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